Le problème qui se posait ici était de savoir si une Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) pouvait prendre en compte, pour l’attribution de la PCH, l’indemnisation accordée à une victime par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de la réparation de son préjudice, incluant les frais d’assistance par une tierce personne.
La Cour de cassation répond par la négative en se fondant sur l’article L. 245-1 du CASF qui prévoit que, lorsque le bénéficiaire de la prestation de compensation du handicap dispose d’un droit ouvert de même nature au titre d’un régime de sécurité sociale, les sommes versées à ce titre viennent en déduction du montant de la PCH. Selon la Haute Juridiction, cet article ne prévoyant pas d’autres interdictions ou limitations de cumul, « l’obtention par la personne handicapée d’indemnités versées à un autre titre n’a pour effet ni de réduire son droit à cette prestation ni de l’exclure ». Or, l’ONIAM n’est pas un régime de sécurité sociale et c’est donc « à bon droit » que la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail a décidé que la victime pouvait bénéficier de la PCH, en plus de son indemnisation par l’office. Ainsi, il apparaît que lorsque le fonds d’indemnisation est sollicité avant la MDPH, celle-ci n’a pas à prendre en compte, pour l’attribution de la PCH, le montant de l’indemnité versée. La victime pourrait ainsi cumuler les indemnités réparant son préjudice avec la PCH.
Nécessité d’une intervention législative
Au regard de ces deux décisions qui semblent contradictoires, une intervention du législateur pourrait utilement clarifier la question relative au caractère indemnitaire (ou non) de la PCH et celle de son cumul avec les indemnités judiciaires ou transactionnelles versées aux victimes d’un accident corporel. Cette clarification est d’autant plus indispensable qu’en l’état du droit positif, à supposer que le caractère indemnitaire de la PCH soit acquis, ce qui, de notre point de vue, est très contestable (ne serait-ce, par exemple, qu’au regard du caractère facultatif et provisoire de cette prestation…), les victimes de dommage corporel sont confrontées à une insécurité juridique patente puisque tous les arrêts rendus à ce jour ne concernent que des Fonds d’indemnisation, qui interviennent au titre de la solidarité nationale et de manière subsidiaire, ce qui peut éventuellement justifier le non-cumul.
Mais quid des assureurs ? Ces derniers se sont évidemment emparés des décisions précitées pour solliciter la déduction de la PCH des sommes devant être octroyées en réparation du poste tierce personne. Or, les sociétés et mutuelles d’assurance n’ont aucune obligation indemnitaire subsidiaire et n’interviennent pas au titre de la solidarité nationale mais en vertu d’un contrat aux termes duquel, en contrepartie du règlement d’une prime, elles s’obligent à verser au preneur ou au tiers victime une prestation en cas de réalisation d’un risque couvert par la police. De plus, le Conseil Général, qui verse la PCH, ne figure pas sur la liste limitative des organismes tiers payeurs susceptibles d’exercer un recours telle que prévue par les articles 29 et suivants de la loi du 5 juillet 1985, d’application générale et impérative.
Par suite, si l’argumentation des assureurs venait à prospérer, dans la mesure où les Conseils Généraux ne disposent pas d’un recours subrogatoire à leur encontre, ils feraient une conséquente économie au détriment des victimes. Pire encore, retenir cette imputation reviendrait à faire entrer dans le patrimoine des assureurs de l’argent public issu de la solidarité nationale (la PCH étant une allocation individuelle de solidarité).
De deux choses l’une donc :
- soit la PCH n’a pas de caractère indemnitaire (et nous continuons à le penser) et son bénéficiaire peut alors la percevoir cumulativement, dans toutes les situations, avec les indemnités réparatrices versées par les régleurs (fonds d’indemnisation ou assureurs) ;
- soit elle a un caractère indemnitaire et doit alors être prise en considération pour la détermination des sommes mises à la charge d’un fonds d’indemnisation ou d’un assureur mais à condition de permettre aux départements de se retourner contre ces derniers pour obtenir le remboursement des sommes versées au titre de la PCH.