Les répercussions d’un accident ne se limitent pas aux seules victimes directes de cet évènement. C’est la raison pour laquelle la nomenclature dite « Dintilhac » prévoit la réparation des préjudices subis par les victimes indirectes dites « par ricochet ». Parmi ces victimes, les membres de la famille du blessé ( conjoints, fratrie, enfants) sont tout particulièrement exposés.
Il arrive fréquemment qu’un membre de la famille limite ou interrompe son activité professionnelle afin de s’occuper de la victime et fasse office de tierce personne. Tels étaient les faits d’un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 8 juin 2017 (n°16-17319, Gaz Pal 25 juillet 2017, Publié au Bulletin). Une épouse avait cessé son activité de commerçant ambulant pour assister son mari désormais handicapé. La Cour d’appel l’avait indemnisée de sa perte de revenus estimant que la somme allouée à ce titre ne se confondait pas avec l’indemnisation de la victime directe au titre de l’assistance par tierce personne.
Indemnisation de la perte de revenus des victimes indirectes par ricochet
La Cour de cassation a donc été saisie de la question de l’articulation de l’indemnisation de la perte de revenus d’un proche, ayant joué le rôle de tierce personne auprès de la victime directe, avec l’indemnisation de ce dernier poste de préjudice.
Les juge suprêmes ont censuré l’arrêt de la Cour d’appel pour manque de base légale, au visa du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, estimant que les juges du fond devaient rechercher si « l’épouse qui avait cessé son activité pour s’occuper de son mari, ne subissait pas un préjudice économique personnel en lien direct avec l’accident consistant en une perte de gains professionnels qui ne seraient pas susceptibles d’être compensée par sa rémunération telle que permise par l’indemnité allouée à la victime directe au titre de son besoin d’assistance par une tierce personne ».
Cette solution traduit une position constante de la Cour de cassation qui appréhende de manière stricte la nomenclature dite « Dintilhac » sur le non cumul de l’indemnisation du besoin d’assistance par une tierce personne et la perte de revenus d’un proche qui exerce cette fonction.
En effet, il préconisé de calculer la perte de revenus du proche ayant cessé ou limité son activité pour jouer le rôle de tierce personne puis d’amputer de cette somme le montant de l’indemnisation allouée au titre de la tierce personne de la victime directe.
Deux préjudices distincts subis par deux victimes différentes
A première vue, cette solution parait respecter le principe indemnitaire : « tout le préjudice et rien que le préjudice » en évitant une double indemnisation d’un même préjudice.
Cependant, à y regarder de plus près, cette solution revient à fondre deux postes de préjudices distincts subis par deux victimes différentes, ce qui est très critiquable et contraire aux principes de l’indemnisation. En ce sens, il existe de nombreux cas où la perte de l’emploi de la victime par ricochet intervient alors même que la victime directe a embauché du personnel ou que la jeune victime est scolarisée ou a été prise en charge par un établissement à temps partiel. Dans ces cas de figure, il existe bien deux préjudices distincts subis par deux victimes différentes.
Par ailleurs, même si le juge opère une analyse précise des revenus préexistants de la victime par ricochet et ceux qu’elle tire de sa qualité de tierce personne de la victime directe, il doit également prendre en considération l’incidence professionnelle d’un tel changement d’activité.
Une personne qui arrête son activité pour s’occuper d’un proche subit d’avantage qu’une perte de revenus. Par exemple, il ne pourra plus prétendre au même statut social ou à une éventuelle perspective de carrière ou de développement.
Au regard du principe de réparation intégral, ce préjudice, doit être indemnisé.
Or ce n’est pas la solution du droit positif actuel qui préconise seulement d’indemniser le différentiel pouvant découler du revenu professionnel antérieur avec celui procuré par le rôle de tierce personne.